Votre Majesté,
J'espère que notre dernière entrevue aura été riche d'enseignements pour vous comme elle l'a été pour moi, malgré la portée de certains apprentissages qui heurtent parfois plus qu'on ne peut s'y attendre. Vous n'avez, comme toujours, jamais manqué de me surprendre. J'ose à mon tour espérer qu'en cette unique occasion, la réciproque fut, même infimement, vraie.
Je ne vous cache pas que la force que vous avez voulu insuffler à vos propos ne saurait se comparer à la mienne, et que nos échanges lors de cette rencontre ont été particulèrement éprouvants pour moi. Si c'est le prix pour que notre cause avance, je l'accepte sans regret. Avec le recul, je pense que mon instinct a eu raison de me pousser à prendre un tel risque oratoire. Mettons cela sur le compte de l'intuition féminine.
Toutefois, j'ai été, lors de nos échanges, dépossédée d'un bien auquel je tenais particulièrement, car il représentait symboliquement beaucoup, et je n'avais pas ménagé mes efforts et les riques encourus pour me doter de cette parure, qui savait me rendre si majestueuse et si invisible à la fois. N'y voyez pas de la vanité : je suis, à mes moments perdus, pragmatique, et l'efficacité de cet artefact participait sans pareil à l'exécution de la mission qui n'est finalement rien d'autre que le prolongement de celle que vous nous aviez confiée, et dont vous connaissez les enjeux.
Aussi, c'est avec un aplomb dans lequel vous me reconnaîtrez que je me permets cette requête : auriez vous, Votre Majesté, la bonté d'accepter de m'offrir réparation de cette perte ? Je ne doute pas que la sagesse et la connaissance à votre portée vous permettent de me fournir l'équivalent, probablement sur un concept inverse, de ce qui faisait de moi votre ombre si efficace et une courtisane aiguisée.
Vous trouvez, je n'en doute pas, cette requête particulièrement insolente, et je le comprends aisément. Je vous conjure de considérer qu'à l'aune de la puissance de nos ennemis, le moindre atout peut être celui qui nous fait remporter le pli de la victoire. Voyez-y un coup supplémentaire qui permette à la lumière un ascendant, même infime, mais qui, au coeur des ténèbres, pourrait bien être déterminant.
Quelle que soit votre réponse, Votre Majesté, que vous balayez ma requête d'un revers de la main, ou que vous y voyez un petit témoignage de la Justice qui fait votre force, soyez assuré que mes compagnons et moi-même oeuvrerons sans ménagement à empêcher par tous les moyens les ennemis des peuples de parvenir à leurs fins.
Sincèrement,
Lihin Cen Omen